lundi 18 août 2008

Fuite à Koh Panyi



Les retrouvailles avec Lek ont été chaudes ! Je l'ai ramenée à mon hôtel situé à Karon Beach, à deux sur une moto taxi qui pétaradait sur les collines de Phuket, avec en contrebas la mer déchaînée par un vent de mousson. A peine dans la chambre et les câlins d'usage entre vieux amants, Lek m'a appris qu'elle voulait plaquer son boulot pour une histoire de racket dont était victime le bar qui l'employait. Des petits truands de la côte andamane exigeaient un pourcentage sur les gains des filles, et sur le chiffre d'affaire du patron, un farang suisse.

- J'ai refusé de casquer, ils ont mis un contrat sur ma tête !

Ceux-ci devaient passer ce soir à minuit au bar. Faute d'un réglement à l'amiable de sa part, ils avaient promis de lui taillader la figure. Mon sang n'a fait qu'un tour, et même si je n'avais pas les moyens de jouer les redresseurs de tort, mon premier réflexe a été d'éloigner Lek de Patong Beach.

- Je ne veux pas retourner à Bangkok ! a-t-elle martelé.

Je lui ai alors proposé de trouver un refuge provisoire sur une des nombreuses îles au large de Phuket, dans la baie de Phang Nga, Ko Phi Phi ou Khai Nok. Elle m'a rétorqué que les voyoux surveillaient les bateaux, elle craignait qu'un indic ne la répère une fois sa tête mise à prix. L'idée du village des pêcheurs musulmans de Koh Panyi a fait tilt, y ayant déjà séjourné pour écrire un roman, loin des tentations de Phuket.

- Patrick ! You're my man !

Elle m'a sauté au cou, prête à remettre le couvert. J'ai rassemblé mes affaires, rendu les clefs de mon bungalow à la réception, prétextant une affaire urgente. On a ensuite fait des achats pour Lek, car elle n'avait qu'un petit baluchon, ses effets personnels étant restés au dortoir où logeaient les filles du bar. Un taxi nous a ensuite déposé au port, où j'ai loué un bateau longue queue pour nous conduire à Koh Panyi.

mardi 22 avril 2008




I LEK YOU !

La voilà ! Perchée sur un tabouret aux pieds chromés, sa nuque ornée d'une tête de cobra noir, avec deux points rouges figurant les yeux. Elle regarde CNN en sirotant un B 52, le cocktail préféré des filles de bar. Polo échancré des Gunners d'Arsenal, short kaki avec grosses poches sur les cuisses, Lek porte ses habituelles baskets roses à semelles compensées. Sur le comptoir, son portable avec une figurine Hello Kitty fixée à l'antenne. A ses côtés, un type au look de surfer avarié, avec bedaine travaillée à la bière, tatouages de paras sur des biceps flasques et crâne rasé cramé par le soleil de Phuket. A la vue de son bras de propriétaire qui enlace la silhouette fine et sa main qui caresse en douce le cul de ma petite caille, j'ai le sang qui bouillonne. Envie de l'éclater, de lui faire bouffer les amulettes qui pendouillent autour de son cou de taureau. Je sors du rade et me planque derrière une pile de cartons de Singha. Décroche mon portable et compose le numéro de Lek. Elle répond à la première sonnerie, reconnaît ma voix.
-Pen yangai Patrick ?
Sa voix rauque, forgée par les nuits blanches de Bangkok, me file la trique. Elle pivote sur son siège pour échapper à la curiosité du farang qui la pelote.
- Sabaay dii !
Non, je mens, je ne vais pas bien, je vais mieux ! Je lui demande de me rejoindre dehors, elle prétexte un pipi urgent et s'esquive du comptoir.

dimanche 6 janvier 2008

Looking for Lek

Toutes ces mauvaises vibes ont été balayées dès mes premiers pas sur la promenade de Patong Beach. Aucune trace visible du tsunami, hormis les panneaux d'évacuation plantés un peu partout en cas de nouvelle catastrophe. Ce matin là, il faisait un temps de chien, les parasols étaient pliés, le drapeau rouge flottait face à la mer déchaînée et aux rouleaux chargés d'embruns. Je me suis abrité dans un des bars en face de l'extrémité de la plage, à l'embranchement de la route qui mène à Karon Beach, ma plage préférée à cinq kilomètres de là, derrière les collines qui dominent la côte. Ma visite à Lek attendrait le soir, à l'ouverture du bar où elle bossait, aux dernières nouvelles données par sa copine de Bangkok. Un bouquin de Qiu Xiaolong ( Le très incorruptible mandarin, Editions Points) pour tenir compagnie à ma Singha, j'ai oublié Phuket et ma quête, partageant l'enquête de l'inspecteur Chen, flic et poète, dans la belle Shanghai qui retrouve son faste d'antan dans un tourbillon de fric et de sexe. (A suivre)

Sur la piste de Lek

La piste de Lek m'a mené jusqu'à Phuket. Après des semaines à tourner dans Nana Plaza et Soi Cowboy, j'ai enfin retrouvé une de ses anciennes copines du Rooster, recasée dans un salon de massage situé près du Dynasty Inn. Lek a décidé de se mettre au vert au bord de mer, après la fermeture brutale du Rooster. Obsédé par sa disparition, mais surbooké par des articles en retard, j'ai attendu plusieurs mois avant de prendre un bus pour descendre dans le sud du Royaume. Depuis le tsunami, je n'étais jamais revenu à Phuket. Pour des raisons sentimentales d'abord, y ayant vécu mes plus belles rencontres coquines. Je n'avais pas non plus envie de voir les ravages causés sur Patong Beach, la simple idée de mettre le pied dans l'eau me faisait horreur, par peur de heurter un bout de cadavre resté coincé dans le sable. ( A suivre)