Phuket Gazette, December 20, 2012.
Une foule de curieux et de proches se tenaient sur la plage de Phi Phi Don lors de la cérémonie de la dispersion des cendres de l'illustre auteur de Sex Addicts et des Follies de Bangkok. Madame Ma, débarquée à Phuket à bord de son jet privé, s'était chargée de l'organisation, ayant perdu avec Saint Just son biographe officiel ( Lire Mama San) et un ami fidèle. Tous les bars du Royaume composant son empire ont observé une heure de fermeture au moment où les bonzes commençaient le rituel. Parmi les invités et les nombreuses admiratrices éplorées, il y avait la présence remarquée d'Emiko, Miki et Saomi, arrivées la veille par Dragon Air de la baie de Naruka, au Japon. Rossarin et sa nouvelle poitrine californienne prononça quelques mots, tandis que Shah Rukh Khan, ami personnel de l'auteur, exécutait quelques pas de danse dans le sable. Une fois l'urne vidée, Mike Piromporn chanta une de ses ballades d'Isan qui avaient le don d'émouvoir le coeur usé de Saint Just.
Désormais, à l'instigation de Madame Ma, une seconde Saint Patrick sera désormais instaurée dans le Royaume, de Nana Plaza à Bangla Road, afin que nul n'oublie ce farang venu d'un pays dont la littérature populaire a depuis longtemps disparu. R.I.P. Saint Just !
Chalavit Naremsoorn
vendredi 21 décembre 2012
samedi 17 novembre 2012
ATOMIK CHANKO NABE
Une année s'est écoulée, à filer le parfait amour en compagnie de Lamoon, ma petite vendeuse d'ananas de Pattaya. Y a que Saint Just pour se mettre en ménage dans cet enfer de stupre ! Grâce à mes droits d'auteur, Lamoon tient désormais boutique dans une soi très fréquentée par les farangs, les billets de 20 baths s'accumulent dans son escarcelle. Profitant de son absence pour cause de visite à sa famille, je décides de partir pour Tokyo. Avec le désir de visiter les temples qui parsèment les montagnes au delà de la cité tentaculaire. Fini Kabukicho et ses hôtesses niaises, adieu le Monde Flottant. Besoin de pureté, désir de me laver de mes péchés ? Du Mont Takao au Mont Mitake, j'arpente du matin au soir des forêts de pins centenaires, dormant dans des ryokans, loin de la foule de Shibuya ou Shinjuku. Après une semaine d'errance digne d'un bonze ermite sur le chemin de l'illumination, poussé par une fringale monstre, je décide de célébrer le Saint Just nouveau par un repas gargantuesque. Et pour ça, rien de tel qu'un chanko nabe, le repas des Dieux Vivants que sont les lutteurs de sumo. Des gaillards à qui il vaut mieux pas parler de cuisine moléculaire sous peine de se prendre une mandale façon Obélix. Mes pas m'entraînent le soir dans une petite auberge, sous les voies de chemin du fer, dans le quartier historique du sumo, à Ryogoku.
La patronne m'accueille avec force courbettes, me saluant d'une voix rauque, mélange de Jeanne Moreau et de Rocky. Sans âge, drapée dans un kimono bleu, elle trottine devant moi et m'installe à une table basse, sur un tatami. Aux murs, des photos jaunies de sumotori cohabitent avec des pin-ups de calendrier Kirin. Etant le seul client à cette heure tardive, Lady Hisano s'invite en face de moi. Cigarette au bec, perruque de travers, elle me raconte son histoire, sa famille originaire de Nagasaki, les années noires de l'après-guerre, l'occupation américaine et les années soixante à Tokyo. Tout en parlant, elle me sert le fameux chanko nabe : un bouillon sublime, de la viande si tendre que même un végétarien y succomberait, des champignons au goût de terre qui m'évoque celle du Père Lachaise, à l'époque où j'y passais des nuits en compagnie d'une coquine gothique.
Je dévore, sous les yeux ravis de Lady Hisano. Après le dîner, elle sort une bouteille de saké. On picole jusque tard dans la nuit, noyés dans la fumée des clopes. A la fin, alors que je suis aussi ivre qu'un salary man, elle s'écroule sur le tatami. Gentleman malgré mon état, je la soulève pour l'installer loin de la table jonchée d'éclaboussures de bouillon et de mégots. Dans le mouvement, le haut de son kimono s'entrouve, ses épaules se dénudent. Une vision d'effroi me saisit soudain. Je la couche avec délicatesse, elle est si légère qu'on dirait un squelette. Pour en avoir le coeur net, et sans aucune pensée salace, j'écarte les pans de son kimono et la déshabille.
Sa peau chiffonnée est couverte de larges traces noires, sorte d'hématomes comme tatoués dans sa chair brûlée par les radiations atomiques. L'absence de poitrine est révulsante, il ne subsiste que deux embryons de mamelons difformes. Des crevasses parsèment son ventre, les veines bosselées de ses bras dessinent des varices incensées. Je l'imagine enfant, touchée par le souffle de l'explosion de la bombe à Nagasaki. Elle a survécu, son beau visage intacte, le corps bafoué par l'enfer atomique. Je la rhabille et m'allonge à ses côtés. Je passe une nuit blanche, hanté par la Pluie Noire qui est tombée sur Lady Hisano et les siens, il y a si longtemps. Le retour à Pattaya me plombe d'avance le moral.
La patronne m'accueille avec force courbettes, me saluant d'une voix rauque, mélange de Jeanne Moreau et de Rocky. Sans âge, drapée dans un kimono bleu, elle trottine devant moi et m'installe à une table basse, sur un tatami. Aux murs, des photos jaunies de sumotori cohabitent avec des pin-ups de calendrier Kirin. Etant le seul client à cette heure tardive, Lady Hisano s'invite en face de moi. Cigarette au bec, perruque de travers, elle me raconte son histoire, sa famille originaire de Nagasaki, les années noires de l'après-guerre, l'occupation américaine et les années soixante à Tokyo. Tout en parlant, elle me sert le fameux chanko nabe : un bouillon sublime, de la viande si tendre que même un végétarien y succomberait, des champignons au goût de terre qui m'évoque celle du Père Lachaise, à l'époque où j'y passais des nuits en compagnie d'une coquine gothique.
Je dévore, sous les yeux ravis de Lady Hisano. Après le dîner, elle sort une bouteille de saké. On picole jusque tard dans la nuit, noyés dans la fumée des clopes. A la fin, alors que je suis aussi ivre qu'un salary man, elle s'écroule sur le tatami. Gentleman malgré mon état, je la soulève pour l'installer loin de la table jonchée d'éclaboussures de bouillon et de mégots. Dans le mouvement, le haut de son kimono s'entrouve, ses épaules se dénudent. Une vision d'effroi me saisit soudain. Je la couche avec délicatesse, elle est si légère qu'on dirait un squelette. Pour en avoir le coeur net, et sans aucune pensée salace, j'écarte les pans de son kimono et la déshabille.
Sa peau chiffonnée est couverte de larges traces noires, sorte d'hématomes comme tatoués dans sa chair brûlée par les radiations atomiques. L'absence de poitrine est révulsante, il ne subsiste que deux embryons de mamelons difformes. Des crevasses parsèment son ventre, les veines bosselées de ses bras dessinent des varices incensées. Je l'imagine enfant, touchée par le souffle de l'explosion de la bombe à Nagasaki. Elle a survécu, son beau visage intacte, le corps bafoué par l'enfer atomique. Je la rhabille et m'allonge à ses côtés. Je passe une nuit blanche, hanté par la Pluie Noire qui est tombée sur Lady Hisano et les siens, il y a si longtemps. Le retour à Pattaya me plombe d'avance le moral.
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