March 31- 2007- 5 PM
De retour à Tokyo pour quelques jours, en vue d'un nouveau livre sur les bars à hôtesses des quartiers chauds de Kabukicho et Ikebukuro. M'éloigner de Bangkok est toujours un crève-coeur, l'atmosphère de Nana Plazza me manque assez vite en général. Sans mes repères habituels, les bars où je joue au snooker avec des filles d'Isan, les salles de karaoke enfumées où mes copines thaies chantent pour moi les chansons de leur région, comme celles de Moonsit Komsoi, mon préféré, je déprime. Et lorsque je dois rentrer en France, cette sensation de manque est encore pire. A Tokyo, l'âme quasi latine des Thaïlandais n'est plus qu'un vague souvenir. Malgré les cerisiers en fleur que j'ai admirés ce matin dans le park de Ueno, un quartier populaire traversé par une ligne de chemin de fer, j'ai un coup de blues à la vue des hôtesses en train d'aguicher des salary men en costume noir pour les faire entrer dans leur bar. Malgré leur mini jupe en skai rose, leurs bottes noires à semelles compensées et des anoraks grands ouverts en dépit du froid qui hérissent leurs petits nichons, elles me semblent moins sexy que leurs lointaines consoeurs de Bangkok. Et que dire des tarifs prohibitifs de ces bars où il faut raquer à la demie heure ou à l'heure pour qu'une hôtesse vous fasse la conversation ? J'en ai claqué de la thune à essayer d'entamer un dialogue avec des greluches fardées comme des geishas, scotchées à leur portable, et qui baragouinaient un anglais indigne d'un pays éduqué et exporteur comme le Japon. A Bangkok, pour soixante Bath ( Moins de deux Euros) la Singha ou la Kloster Bier, la fille s'asseoit à vos côtés et pas question de regarder le compteur ! Une soirée à Tokyo, c'est un mois en Thaïlande ! Après les cerisiers, une halte dans un sushi bar à me goinfrer de teka maki dans Ameyoko Arcade, je déambule dans le coin à la recherche d'une librairie spécialisée en livres consacrés au bondage. Et là je tombe en arrêt devant une vitrine où deux affiches de films pornos me font de l'oeil. Un escalier étroit descend à la caisse, des salary men y achètent un ticket. Curieux, je décide de m'offrir une séance de cinéma, plaisir également prohibitif à Tokyo avec des places à quinze Euros. Par chance, ici le ticket s'affiche à cinq cent Yens, soit quatre Euros. Mieux, il s'agit d'un double programme, comme à l'époque au Barbès Palace ou au Gaité Boulevard, à Paris, où je passais mes week-ends à voir des kung fu, des peplums ou des westerns spaghettis. Pour moi, la Nouvelle Vague était enterrée depuis belle lurette. La caissière lève le nez derrière sa vitre, surprise qu'un gaijin s'aventure dans ce lieu de perdition.
- No English !
Je lui réponds en Japonais que ce n'est pas un souci. Je lui glisse une pièce de cinq cent Yens et je pousse le rideau de la minuscule salle, pas plus de cinquante fauteuils plongés dans l'obscurité. Le premier film a déjà commencé. L'image, du 35 mm, est rayée à souhait, c'est un porno des années quatre vingt. A l'écran, un type genre docker est en train de fouetter le cul d'une femme nue et ligotée sur un tonneau, à grands coups de bites, hurlant comme un des sept samouraïs.
( A suivre).